Le forestier by Gustave Aimard

Le forestier by Gustave Aimard

Auteur:Gustave Aimard
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: La Bibliothèque électronique du Québec
Publié: 2012-07-06T04:00:00+00:00


V

Quelle singulière nuit don Fernan passa dans la hacienda del Rayo.

Don Fernan ne dormait pas, bien au contraire ; jamais il ne s’était senti moins de dispositions au sommeil ; les yeux clos, afin de mieux concentrer sa pensée en lui-même en s’isolant des objets extérieurs, il faisait, tout éveillé, les rêves les plus charmants, et se laissait bercer par les plus séduisantes chimères.

Il reconstruisait lentement dans son esprit les divers événements futiles en apparence qui avaient eu lieu pendant le souper et qui, pour tout autre que pour lui, étaient passés inaperçus ; cette entente qui s’était tout à coup établie entre la jeune fille et lui ; le dialogue muet de ces deux cœurs qui, quelques heures auparavant, ignoraient l’existence l’un de l’autre et s’étaient soudain entendus et compris d’un regard et d’un sourire ; cet amour profond, passionné qui, comme un choc électrique, avait pénétré par les yeux pour brûler le cœur, en allumant soudain cette étincelle divine qu’il cache dans ses replis les plus secrets ; cette alliance contractée devant tous si franchement et si sincèrement ; tous ces faits réunis, groupés dans le cerveau exalté du jeune homme, et dont à peine il avait la conscience, bouleversaient complètement sa pensée et lui faisaient entrevoir comme à travers un prisme enchanteur des horizons de bonheur et de volupté inexprimables.

Comment cela était-il arrivé ? Il l’ignorait et ne cherchait même pas à le savoir ; la seule chose dont il avait la conviction, c’était qu’il était impossible d’être plus certain de l’amour d’une femme qu’il ne l’était de celui de doña Flor ; cependant, s’il eût confié à quelqu’un son secret et qu’on lui eut demandé sur quelle preuve reposait cette certitude, il lui eût été complètement impossible non pas de l’expliquer, mais seulement de le dire.

Il sentait ses pensées s’agrandir avec son amour ; le but qu’il s’était proposé jusque-là lui semblait bien misérable en comparaison de celui que la passion lui révélait et des horizons lumineux qui s’ouvraient peu à peu devant lui.

Cependant la nuit s’avançait, la fatigue commençait à prendre le dessus ; le jeune homme sentait ses paupières s’alourdir ; ses pensées devenaient moins lucides, elles lui échappaient sans qu’il parvint à les coordonner d’une manière logique ; il était enfin dans cet état qui n’est déjà plus la veille sans être encore le sommeil ; il n’allait pas tarder à s’endormir tout à fait.

Tout à coup, au milieu de l’anéantissement dans lequel il était plongé, il tressaillit brusquement, bondit sur lui-même, ouvrit les yeux et regarda.

La chambre était plongée dans une obscurité presque complète, la veilleuse s’était éteinte, un rayon de lune filtrant à travers les vitraux traçait une large bande d’un blanc bleuâtre sur le parquet.

Le jeune homme avait cru entendre résonner à son oreille un bruit sec ressemblant à celui d’un ressort trop tendu et qui s’échappe.

Ce fut en vain que Fernan essaya de sonder les ténèbres, il ne vit rien ; il prêta l’oreille, il n’entendit rien que les ronflements sourds de son compagnon.



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